Leçon d’optimisme : qu’est ce qu’un adulte moderne ?

Publié le par Skinny

 

Adulte


L’adulte est une personne responsable de la faillite de sa propre vie car son intelligence supérieure le pousse à y chercher vainement un sens.

 

L’admirable mosaïque de faciès résignés dont il est le principal spectateur et contributeur chaque jour ouvré autour de 9h lui fait déduire que peu de gens sautent de joie lorsque le réveil sonne et qu’il est à nouveau l’heure de subir une journée de travail. Cela le conforte, car dans une bassine de merde, on est toujours mieux à plusieurs pour partager notre honte.

 

L’adulte se fait souvent cette réflexion en rentrant dans son wagon matinal digne d’un aller simple pour Auschwitz ou en écoutant la musique lancinante des semelles de Clarks et des talons hauts. Il slalome alors mollement entre ses semblables, pantins au cerveau reptilien dont le seul neurone fonctionnel servira à réagir à l’annonce d’un problème sur la ligne, veuillez nous excuser pour le désagrément.


L’adulte, nourri par les images qu’on lui inflige, entretient les utopies du style "gagner au loto" ou "vivre de sa passion", rêves naïfs qui ne se réalisent que pour quelques marginaux, ce qui contribue à nourrir son espérance et le fait tenir jusqu’à ce qu’il rentre à son domicile.

 

Arrive le soir, période de la journée à partir de laquelle il essaye de trouver le bonheur en attendant fébrilement le week-end. Il s’y essaye de plusieurs manières : l'amour d'une autre personne dont il exige une égoïste et sécurisante fidélité, l’achat du dernier écran plat 250cm et quelques instants futiles dont il se convainc du bien fondé depuis qu’il a vu Amélie Poulain et qu’il croit à la suffisance du bonheur par petits morceaux.

 

Il peut également boire de l'alcool pour fuir sa vie ou pratiquer ses passions grâce aux quelques heures libres qu’il lui reste tout en étant frustré de ne pas avoir assez de temps pour s'y épanouir. Parfois il se surprend à espérer les partager avec des amis dont il a perdu la trace depuis la signature de son premier contrat de travail.

 

Certains se disent heureux au quotidien et vivent à travers la chimère de la « réalisation personnelle » ou s’épanouissent dans leur rôle de parent, jusqu’au jour où la seule chose qu’ils réalisent vraiment c’est qu’ils ne connaissent pas leur enfants. Ces derniers sont en réalité des étrangers ayant grandi sans eux et vivant dans une insouciance qui rend leurs géniteurs nostalgiques.

 

L’adulte se console parfois en croyant à la supériorité créatrice de l’Homme, qui a inventé la beauté abstraite, l’art, la musique, la philosophie, le nazisme et Hiroshima.

 

L’adulte s’efforce parfois de flatter son égo en organisant des soirées entre amis qui n’en sont pas vraiment, mais qui au moins lui font croire que certaines personnes sont contentes de le voir alors qu’elles suivent le même raisonnement que lui et ne se soucient que de leurs problèmes personnels. Il se force également à voir une famille qu’il a déjà oubliée et dont les membres se livrent des batailles d’égo auxquelles il se sent obligé de participer.

 

Ce cycle se répète jusqu’à ce qu’il se transforme en vieux, moment de sa vie à partir duquel il réalise que ce qu’il a fait n’a rien apporté au monde, que l’Homme n’a pas vocation à être utile et qu’il a perdu tout son temps à essayer d’en gagner. Il attend alors l’heure de la mort en espérant vainement une future seconde vie qu’il n’aura pas. Sa famille déposera régulièrement quelques fleurs bon marché sur un bout de pierre jusqu’au moment ou elle ne se sentira plus coupable de ne pas faire le déplacement, préférant raconter une morne vie sur facebook ou regarder Michel Drucker et son chien qui, eux au moins, ne sont pas tout à fait morts.

Publié dans Pisses drues

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
<br /> Voici la dose de cynisme et de nihilisme dont j'avais besoin.<br /> <br /> j'adore.<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> <br /> Merci m'sieur.<br /> La prochaine fois, je livre sur ordonnance.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Excellent.Moi qui suis de nature suicidaire je prend plaisir à vous lire. Vous avez une très belle plume.<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> Merci beaucoup!<br /> <br /> Ce compliment aussi triste que drôle. J'espère ne pas vous aider à passer à l'acte, je préfèrerais vous faire un peu sourire en attendant votre mort naturelle.<br /> <br /> Pour le rire, voire la note suivante.<br /> <br /> <br />
L
<br /> Vivement dimanche !...<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> Le week-end et Drucker en même temps. Tu as raison, c'est le bonheur de l'adulte à son apogée!<br /> <br /> <br />
B
<br /> L'adultre croit à la supériorité de sa race sur la nature et le monde animal. Prenons un homme, que nous appellerons A, par rigueur scientifique, mettons le à poil dans un bois, en plein hiver, au<br /> bout de 2 heures, il est mort, pas le loup, étonnant, non ?<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> <br /> Vu sous cet angle, on ne vaut guère mieux qu'un arbre ou qu'une mouche.<br /> <br /> Tout est question de perspective alors...<br /> <br /> <br /> <br />
H
<br /> J'avoue que c'est assez tentant, on signe où ? :-)<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> Masochiste mmm?<br /> <br /> <br />