Fair-play
J’y pensais à l’instant, alors que ce début de semaine rayonne d'une magnificence telle, que je lui assignerai bien un honorable 11/20 (oui parfois je note ma vie, du genre « a des capacités mais peut mieux faire » et toute cette sorte d’analyses dignes d’un enseignant frustré, pardon pour le pléonasme). Emporté par tant d’élan (là, on frise la nullité sémantique, allant jusqu’à taquiner le niveau intellectuel d’un couplet moyen de David Hallyday, qui va bientôt pouvoir voler le cerveau de son père pour doubler son Q.I à un chiffre), je me suis permis la folie d’un petit billet de gaieté que voici.
Parmi mes innombrables qualités (oui même baignant dans l’urine, je m’aime), il y en a une qui jaillit ostensiblement dès que vient à un bipède cervelé l’idée saugrenue de me fréquenter.
Je suis beau. Perdant, s’entend. Beau-perdant avec le tiret. « Savoir jouer c’est aussi savoir perdre avec panache » disait la mère de Cédric dans l’album numéro 6 (tu remarques alors que je suis également quelqu’un de cultivé, mais je te prie d’attendre quelques billets pour découvrir l’étendue intégrale des dégâts).
Pas plus tard que l’autre jour, j’avais déjà l’avant bras en demi-cercle, prêt à glisser un joli Khéops de jetons vers mon égo, tandis que ma superbe couleur à trèfle trônait sur le tapis. Sourire en coin, demi-molle soulevant l’élastique du Dim et tout un tas de sensations que j’abrège par chasteté. Lorsque mon frère m’a arrêté d’un geste, avant de claquer ses cartons d’un bruit mat pour m’afficher un full insolent, crois-tu que j’ai simplement entamé l’once d’un énervement ? Mon verre de whisky était presque vide lorsque j’en distribuais le contenu sur sa chemise, qui n’était même pas de marque.
De la même manière, il est rare que j’insulte mes partenaires lorsqu’ils me font l’honneur d’être mauvais, à quelque jeu que ce soit. Disons qu’une fois par partie est une moyenne optimiste. Pour eux, s’entend.
J’ai pris du rab de mauvaise-foi quand il a fallu choisir les traits de caractère, du coup je suis arrivé à la bourre le jour de la distribution des muscles. Mais c’est un autre épisode.
Je suis paré à toute éventualité pour ne pas mettre en jeu mon niveau exceptionnel. Toujours avoir le soleil dans la gueule lors des duels sportifs en extérieur, toujours. Cacher des camemberts dans la poche de ses adversaires de Trivial pour les sortir au nez du public dès qu’on a un peu de retard. Je n’appelle pas ça tricher, c’est de la prévention. Se munir d’excuses à l’avance, c’est ma capote personnelle.
L’autre jour, je n’ai fait que 5/10 aux lancers-francs parce que j’ai l’habitude que le ballon soit mieux gonflé. Le basket est un sport de précision, le poids du cuir n’est pas anodin.
Et alors je me disais, en ce début de semaine à 11/20 donc, que je devais me faire un peu chier dans la vie parce que mon talent n’est pas encore descendu au grand jour.
Vous devez avoir le soleil dans la gueule.